DESINGY

LE CHÂTEAU FORT DE PELLY

Je n’arrive pas à m’expliquer comment ce château qui se trouve à seulement 15 km de mon domicile a pu échapper si longtemps à mon attention.

En juin 2018 j’aurais dû, lorsque j’ai réalisé des recherches sur le château de la Fléchère à Vanzy, me rendre à l’évidence : il existe bel et bien un lien entre ces deux bâtiments. En effet, le 23 août 1793, le Comte François-Marie de la Fléchère a été abattu avec son neveu Pierre Joseph de Pelly lors des émeutes antijacobines à Annecy.

Photo du château en 1957 (source Delcampe.fr)

* Photo extraite des pages 68 et 69 de l’ouvrage Châteaux de Haute-Savoie de Ch. Regat et F. Aubert, sources Archives départementales de la Haute-Savoie)

Le château vers 1907 *

Le château de nos jours

(photo MT Buda 1er avril 2019)

A l’étage une petite chapelle qui doit dater du 16ème siècle a été réaménagée avec un bénitier placé à gauche de l’entrée.

Ce château très bien conservé comporte 5 tours et un donjon. De magnifiques salles ornées d’immenses cheminées ont été soigneusement réhabilitées.

(photo Louis Buda 1er avril 2019)

ORIGINE DU NOM DE PELLY

Texte extrait de la page 57 de la Revue savoisienne de 1904

(source Gallica.bnf)

MAIS QUI ETAIT CETTE FAMILLE DE PELLY ?

Il semblerait qu’en 1252 un chevalier qui s’appelait Pierre de Pelly reçut, par un testament établi le 18 novembre 1280, un leg important du comte de Genève Aymon II.

Archives départementales de Savoie, trésor des chartes page 41/65

(source Internet)

Extrait de la page 88 monographie de Desingy par

Félix Fenouillet

(source Gallica.bnf)

Sceau apposé sur le testament de Aymon II de Genève

le 18 novembre 1280

(document source site internet sigilla.org)

Extrait de la page 89 monographie de Desingy par F. Fenouillet

source Gallica.bnf

Empreinte d’un sceau de Mathilde de Boulogne sur un acte du 3 décembre 1371 (document source site Internet sigilla.org)

Le château de Pelly dont l’architecture est féodale est la propriété héréditaire de la famille de Pelly dont les membres étaient seigneurs des hameaux de Pelly, Vencières et Vallières (source page 16 monographie de Desingy.

Plan extrait de l’ouvrage la monographie de Desingy

(source Gallica.bnf)

Les membres de la maison de Pelly n’ont pas joué un grand rôle dans l’histoire de la Savoie. Cependant plusieurs d’entre eux ont servi avec honneur dans les armées des ducs de Savoie comme notamment Jacques de Pelly qui est entré au service de l’armée autrichienne en 1525. Il se distingua dans la guerre contre l’armée turque du sultan Soliman le Magnifique.

L’archiduc Ferdinand, frère de Charles-Quint l’autorisa à ajouter à ses armoiries l’aigle double d’Autriche.

C’est d’ailleurs cet aigle qui est situé au-dessus de l’écusson sculpté sur le grand portail du château (page 90 ouvrage monographie de Desingy).

Jacques de Pelly est mort vers 1540.

Photo MT Buda 1er avril 2019

Les armes de la famille de Pelly (selon un texte extrait des pages 90 et 91de l’ouvrage monographie de Desingy par F. Fenouillet, source Gallica.bnf) sont « d’azur au lion rampant de gueules, couronné, fasce de sable ornée de trois roses d’argent » avec, en cimier, l’aigle à deux têtes d’Autriche.

Aigle à deux têtes d’Autriche

Trois roses d’argent

Lion rampant de gueules

Photo Louis Buda 1er avril 2019

Il est intéressant de noter qu’à partir du 16ème siècle la famille de Pelly fera édifier à l’intérieur de l’église de Desingy datée du 12ème siècle une chapelle funéraire et aura donc le privilège d’avoir un tombeau au-devant du maître-autel.

Chapelle funéraire de la famille de Pelly

(photo MT Buda 27 février 2019)

En 1602, Jehan (Jean) de Pelly prétendra avoir participé à l’Escalade de Genève (attaque lancée dans la nuit du 11 au 12 décembre 1602 par les troupes du duc de Savoie, Charles-Emmanuel 1er). Il demeura captif durant deux mois d’où il réchappa à grands frais et dépens. Jean de Pelly meurt le 21 juin 1630.

Extrait de la page 102 de la Revue Savoisienne de 1953

(source Gallica.bnf)

Je doute un peu de la véracité de cette information car selon les registres genevois 54 assaillants ont été tués et 13 (pour la plupart blessés) ont été faits prisonniers puis exécutés le 12 décembre 1602 à 14h30. Toutes offres de rançons ou requêtes de commutations de peine furent repoussées (source Internet www.education-nouvelle.ch).

Après Jean de Pelly plusieurs membres de la famille de Pelly vont se succéder :

Textes extraits des pages 104 et 115 de l’ouvrage les campagnes du capitaine de Pelly de L.E. Gruffat (source Gallica.bnf)

(source Gallica.bnf)

Daniel (mort en 1638) Jean Antoine (1631-1663) Charles-François (1656-1731) puis Claude-François (1723-1801) qui épousera en 1750 Claudine Pauline de Boege dont la mère était Jacqueline Gasparde de la Fléchère. Joseph Pierre Denis de Pelly (1774-1793), le dernier fils de Claude-François et de Claudine Pauline sera massacré à l’âge de 18 ans, avec son oncle, François Marie de la Fléchère dans la nuit du 23 août 1793 à Annecy lors des émeutes anti-jacobine. Quant à leur seconde fils qui s’appelle également Claude-François (1753-1824), dès 1792 il sera capitaine au régiment du Genevois et il se trouvera en garnison dans le Piémont au moment de la révolution.

Durant la période révolutionnaire, le château de Pelly sera réquisitionné et un inventaire sera réalisé par Claude-Antoine Dhérens, élu député le 14 octobre 1792 ; il deviendra agent national à Desingy de 1794 à 1799.

Extrait de la page 126 monographie de Desingy par F. Fenouillet, source Gallica.bnf

Le château sera donc loué pour le compte de la commune.

Extrait de la page 110 de la Revue Savoisienne de 1904

(source Gallica.bnf)

Photo non datée, source delcampe.net

Claude-François de Pelly a été également maire de Desingy en 1809 sous le premier empire puis syndic sous le régime sarde jusqu’à sa mort en 1824.

Le château de la Tour

La mairie vers 1907

(Photo source delcampe.net)

Claude-Marie de Pelly (1793-1869) l’ainé des enfants du capitaine Claude-François servira sous Napoléon entre 1813 et 1815. Il entrera au service du roi de Sardaigne et en 1836 il sera colonel de cavalerie. Après l’annexion de 1860, il rentrera à Pelly puis sera maire de Desingy de 1863 à 1869.

Extrait de la page 380 de l’ouvrage publié par la société savoisienne d’histoire et d’archéologie, volume n° 50 de 1911 (source Gallica.bnf)

Claude-Marie mourra le 6 octobre 1869 sans postérité et c’est son petit neveu Edouard Claude Bastian (1858-1889), officier de l’armée, qui héritera du château de Pelly.

A la mort d’Edouard Claude Bastian en 1889, à l’âge de 31 ans, le château sera légué à sa sœur, Françoise dite Fanny (1860-1933) qui épousera en 1889 l’avocat François Deschamps (1855-1934). Ils auront 3 enfants Alexis, Jean et Louis. Françoise Deschamps-Bastian était encore propriétaire en 1900.

Extrait de la page 380 de l’ouvrage publié par la société savoisienne d’histoire et d’archéologie, volume n° 50 de 1911 (source Gallica.bnf)

Le frère de Claude-Marie, Marie-Philibert Colomban dit Félix (1801-1871) sera avocat au Sénat de Savoie puis à la cour de Chambéry. Il renoncera à cette fonction pour des raisons de santé. Il sera aussi maire de Desingy en 1861. A sa mort le 8 février 1871 et sans postérité il léguera toute sa fortune aux pauvres de la commune de Desingy. Avec lui disparaît le nom des De Pelly.

Texte extrait de la page 194 de la Revue Savoisienne de 1904

(source Gallica.bnf)

La tombe de Marie-Philibert Colomban se trouve dans le petit cimetière de Desingy tandis que les dépouilles de ses parents Claude François (son père mort en 1824) et Célestine Anthelmette née Bracorens de Savoiroux (sa mère morte en 1851) se trouvent dans l’église.

Tombe de Marie-Philibert Colomban dit Félix (1801-1871)

Au 17ème siècle l’orthographe du nom de la famille de Pelly était de Pilly

(photos MT Buda 27 février 2019)

Extrait de la page 116 de l’ouvrage les campagnes du capitaine de Pelly de L.E. Gruffat

(source Gallica.bnf)

L’église de Desingy

(photo MT Buda 27 février 2019)

La plaque en marbre qui a été placée en 1869 par Marie-Philibert Colomban dit Félix dans la chapelle de l’église paroissiale de Desingy

(photos MT Buda 27 février 2019)

(traduction du texte le 11 mars 2019 par Georges)

Leur première sœur, Françoise Marie Georgine (1803-1851) sera mariée en 1823 avec Claude-Pie Amédée Bastian (1798-1872) syndic de Frangy de 1836 à 1856.

Tombe de Claude-Pie Amédée Bastian dans le cimetière de Frangy

(photo Louis Buda 29 mars 2019)

La dernière sœur, Sophie (1808-1881) épousera en 1830 Pierre-Marie François Michaud, capitaine dans l’armée française.

Après 1900 et jusqu’en 1962, aucune information accessible n’apparaît sur les propriétaires du château.

Photos non datée du château

(source delcampe.fr)

En 1962 un certain Bernie Cornfeld (1927-1995), financier américain, achètera le château à l’architecte suisse Pascal Hausemann (source Le Bénon octobre 2015 page 12). En 1964, des travaux de rénovation seront entrepris dans le style romantique du 19ème siècle notamment au niveau de la toiture qui sera équipée de tuiles polychromes. Cette technique de pose permet notamment de réduire la charge que doit supporter la charpente. Le pont levis sera également rétabli.

Photos MT Buda 1er avril 2019

Ce Bernie Cornfeld organisera chaque année de grandes fêtes dans le château. Mais les affaires de l’intéressé vont pérécliter à partir de 1973 et en 1979 une partie des biens sera liquidée sans que cela affecte son train de vie. A sa mort en février 1995, le château sera vendu.

La cour du château de nos jours

(photo MT Buda 1er avril 2019)

Lors de ma visite du 1er avril 2019 j’ai voulu m’intéresser à cette fresque apposée sur une des façades du château, à proximité d’une entrée, pour l’analyser par la suite.

Photo Louis Buda 1er avril 2019

Je pensais dans un premier temps qu’il s’agissait de soldats suisses qui sont passés notamment à Pelly durant les conflits qui vont éclater entre 1589 et 1593 entre le duc Charles-Emmanuel de Savoie et Genève. Cette idée m’est venue par la lecture du texte ci-dessous paru dans le Journal de Genève le 16 mai 1925.

Je dois probablement me tromper car la représentation de ces soldats, par leurs tenues militaires, doit être plus ancienne.

Ces dernières années, la toiture du château a été entièrement rénovée par le nouveau propriétaire des lieux depuis 2006 (remplacement des fermettes, des tuiles écailles en brique et de la zinguerie).

Ce château qui a traversé des époques tumultueuses demeure de nos jours un lieu paisible. Il abrite toujours des secrets qui restent encore à découvrir.