LES ILLUSTRES OCCUPANTS DU CHÂTEAU DE MARLIOZ


En mars 2017, j’avais publié un article sur le château de Marlioz qui rapportait le résultat de mes recherches sur ce beau bâtiment que j’admire tous les jours depuis les fenêtres de ma maison.


Vue du château depuis Villard à Contamine-Sarzin

(photo MT Buda 6 janvier 2022)


Mais en cette fin d’année 2021, très exactement le 23 décembre, j’ai été contactée par la propriétaire des lieux qui a trouvé sur Internet une photo du château que j’avais publiée sur mon site en mars 2017. Et c’est ainsi que j’ai eu la chance de pouvoir découvrir l’intérieur de ce majestueux bâtiment admirablement bien conservé mais aussi de parcourir le très beau parc attenant parfaitement entretenu.


J’ai donc décidé de consacrer une seconde étude sur ce château tout en conservant ma publication de mars 2017 qui regroupe les éléments historiques que j’ai pu trouver à l’époque par le biais d’ouvrages anciens disponibles auprès de la Bibliothèque Nationale de France. Depuis lors de nouvelles publications ont été éditées ce qui va me permettre d’étayer mon texte initial.


Depuis ma précédente visite le 17 mai 2014, les façades du château ont été rénovées.

(photos MT Buda 17 mai 2014 et 10 février 2022)


En fonction de ces nouveaux éléments et de la documentation photographique qu’il m’a été permis d’utiliser, je complète ainsi mes recherches à partir du 17 avril 1829 date à laquelle le comte Eugène Fulcrand de la Prunarède (1784-1851) hérite du château suite à un partage découlant de la succession de sa tante Anne-Suzanne Henriette de Benoît de la Prunarède décédée le 23 mars 1823.


Texte extrait de la page 40 de la revue La Salévienne de janvier 1995

(source BNF Gallica)

Il convient de noter que le comte Eugène Fulcrand de la Prunarède est inspecteur général des relais de France, chargé du service des voyages de la cour, chevalier de la légion d’honneur, de l’ordre de Charles III d’Espagne et de l’ordre de St-Maurice de Sardaigne.

Il épouse le 22 avril 1827 Marie-Adèle Quarre de Chelers (1808-1871) dont les parents sont Joseph Pierre Alexandre Quarre de Chelers (1768-1854) et Françoise Louise Scott (1777-1810). Marie-Adèle est également depuis 1810 la fille adoptive du duc et de la duchesse de Fleury. Elle sera autorisée par le souverain pontife en 1847 à reprendre le titre de duchesse de Fleury de la famille Rosset de Rocozel. Le duc est André Hercule de Rosset de Rocozel (1770-1815) et la duchesse est Jeanne Victoire Adelaïde Herbert du Jardin (1763-1846).

Mais en consultant de plus près le contrat de mariage daté des 3 et 4 avril 1827, il est important pour la suite, notamment lors de la succession de Monsieur le Comte, de retenir le contenu de l’article 11 qui est reproduit ci-après.

Textes extraits des archives notariales de François Achille Maine-Glatigny du 1. Au 30 avril 1827


Dans le cas où le futur époux hériterait dans sa succession un château ou une habitation à la campagne, la future épouse aurait le droit de jouir et sa vie durant soit du château soit de la maison sans y comprendre néanmoins les dépendances productives mais seulement avec les dépendances d’agrément

(dépendances productives : celles qui produisent des revenus).

C’est à partir de 1827 que Monsieur le Comte va financer et diriger les travaux de reconstruction de l’église Saint-Aubin située sur une parcelle contiguë à celle du château.


Photos de l’église et extrait d’une information se trouvant à l’intérieur

(photos Louis Buda 10 février 2022)


Plans datant probablement de janvier 1834

(photo MT Buda du 25 novembre 2011, source Archives Départementales de la Haute-Savoie)


En janvier 1831, Marie-Adèle Quarre de Chelers qui se fait alors appeler comtesse Adèle de la Prunarède rencontre dans un salon parisien le célèbre compositeur hongrois Franz Liszt (1811-1886).


Texte extrait de l’ouvrage Le Mysticisme, l’art et l’amour ou l’âme romantique de Franz Liszt

(source Internet www.edition-originale.com)

Portrait de Franz Liszt en 1838 par Henri Lehmann exposé au musée Carnavalet de Paris

Portrait présumé de la comtesse Adèle de la Prunarède daté de 1834 par Jean Urbain Guerin


A la fin de l’automne 1832, Adèle de la Prunarède invite Franz Liszt dans un château situé dans les Alpes. Il s’agit du château de Marlioz.


Textes extraits de la page 11 de l’hebdomadaire Gringoire du 19 août 1938 paru sous le titre Liszt ou les amours romantiques par Paul Redoux (source BNF-Gallica)



En 1836 le comte et la comtesse habitent dans le château de Marlioz.


Texte extrait de la Gazette des Tribunaux du 9 septembre 1848

(source BNF Gallica)


A partir de 1850, la situation financière de Monsieur le comte est aggravée par les nombreux travaux réalisés dans le château et par certains malheureux investissements.


Texte extrait de la page 41 des Echos Saléviens de 1995

(source BNF Gallica)


Le château est mis aux enchères le 20 mars 1850 pour la somme de 10'500 livres neuves.

Extrait de la page 4 du journal Le courrier des Alpes du 15 février 1850

(source Gallica-BNF)



Courrier datant de 1850 transmis depuis Paris à Monsieur le Comte

(photo collection privée)

Monsieur le comte de la Prunarède meurt à Paris le 31 octobre 1851 et son hoirie est répudiée.

Texte extrait de l’ouvrage jurisprudence des Etats Sardes, volume 8, décision n° 616 rendue le 20 mai 1856 à Chambéry (source e.book)



Le château aurait été acquis par M. Adolphe Dominici de Genève qui le revendra par la suite à la veuve de Monsieur le comte avant mars 1855. Malgré de longues recherches, je n’ai trouvé aucune trace de cette acquisition par M. Adolphe Dominici.


Texte extrait de la page 41 de l’ouvrage Echos Saléviens de 1995

(source Gallica-BNF)

Cependant c’est bien Marie-Adèle Quarre de Chelers, la veuve de Monsieur le comte dont il vivait séparé depuis le 2 juin 1848, qui va finalement hériter du château (comme le prévoyait l’article 11 de son contrat de mariage) qu’elle occupait depuis son veuvage à partir de 1851.


Marie-Adèle meurt à Rome le 4 novembre 1871. Par son testament rédigé en 1870, elle désigne comme légataire universel son cousin germain, l’abbé Marie-Edouard Albert Scott qui est le frère de sa mère Françoise Louise Scott.

Texte extrait de la page 138 de l’ouvrage Jurisprudence du notariat édité en janvier 1880

(source Gallica-BNF)



Les deux portes d’entrées du château et une magnifique poutraison située dans l’entrée. Sur la porte de gauche la date de 1673 avec les armoiries de Melchior de Livron (1618-1686) seigneur de la Tour de Marlioz, chevalier de Malte.

(photos Louis Buda 6 janvier 2022)


(photos Louis Buda 16 janvier 2022)


(photos Louis Buda 16 janvier 2022)



L’abbé Marie-Edouard Scott est né le 27 novembre 1796 en Allemagne, de parents anglais. Vicaire général d’Arras (Pas de Calais) en 1828, il est nommé le 4 août 1875 Chevalier de l’Ordre National de la Légion d’Honneur. Il mourra à Aire la Lys le 15 août 1887.


Document source archives nationales

Il est néanmoins stipulé dans un article paru en page 197 dans l’ouvrage intitulé « la vie religieuse des populations du diocèse d’Arras (1840-1914) que Marie Edouard Scott était l’héritier d’une fortune assez considérable.


Document Gallica-BNF

Il accepte l’héritage sous bénéfice d’inventaire.

Texte extrait des pages 382 et 383 de l’ouvrage Mémoires et documents publiés par la société Savoisienne de 1913

(source Gallica-BNF)


La vente de tous les biens sera autorisée par un jugement du tribunal civil de première instance de St-Julien le 14 mai 1872

(source journal La Zone, page 3 du 29 août 1872, Gallica-BNF).


Article paru dans La Zone, journal libéral de l’arrondissement de St-Julien, en pages 3 le 8 mai 1873 (source Gallica-BNF)



Le 8 juin 1873, Monsieur Jean Daudens (1821-1900) de Frangy achète le château. M. Daudens est négociant aux halles de Paris. Sa famille est originaire de Savigny (hameau de Murcier).


Texte extrait de la page 383 de l’ouvrage Mémoires et documents publiés par la société savoisienne de 1913 (Gallica BNF)


Jean Daudens a assuré pendant quelque temps la première charge de la commune.

Texte extrait de l’avis de décès paru en page 2 le 12 janvier 1901 dans le journal l’Indicateur de la Savoie (source Gallica-BNF)


Jean Daudens meurt le 31 décembre 1900 et le château est transmis à son fils Arthur et à sa fille Yvonne Daudens, veuve Odenot.Il semble toutefois que dès 1907, le château soit la propriété d’Arthur Daudens (texte extrait des pages 41 et 42 de l’ouvrage Echos Saléviens de janvier 1995 Gallica-BNF)



Texte extrait de la page 176 de l’ouvrage La revue savoisienne publié en 1952 (source Gallica-BNF)


Le château vers 1909

(photo source delcampe.fr)

Arthur Daudens âgé de 47 ans au cours d’une fête au château en 1905 (source Le Bénon)



Le château en 1911

(photo collection privée)

Je dispose de plusieurs photos qui ont été prises au château mais qui ne comportent malheureusement aucune date ni aucun nom. Je souhaite néanmoins les publier avec l’autorisation des propriétaires actuels du château que je souhaite ici remercier vivement.

Si je me réfère à la marque de ce véhicule (peut-être une Delaugère Clayette de 1908) et par rapport à la particularité de la plaque d’immatriculation rectangulaire (517 – X 9) X signifiant la ville de Paris il est possible de situer ces photos avec les mêmes personnes aux alentours de 1908-1910.


Le château côté terrasse (au dos de cette photo la date de 1924)

Monsieur Arthur Daudens (1858-1925) meurt le 18 août 1925. Il semblerait cependant que sa fille Yvonne (1890-1973) était déjà propriétaire en 1920 du château.


Avis de décès paru le 20 août 1925 dans le journal l’Intransigeant

(source Gallica-BNF


Texte extrait de la revue Echos saléviens n° 5 de janvier 1995, page 42

(source Gallica-BNF)


Je n’ai pas trouvé la date exacte de la vente du château à un prince allemand en 1920. Il s’agit du prince Christian de Hesse. Il semblerait toutefois qu’auparavant le propriétaire ait été Monsieur Richard Rogers qui est le beau-père du prince.


Texte extrait de la page 360 de l’ouvrage histoire des communes savoyardes tome III paru en janvier 1981 (source archives départementales de la Haute-Savoie 8 février 2011)



Extrait du recensement de 1931 de la commune de Marlioz(source Archives Départementales de la Haute-Savoie, côte 6 M 273)


Christian de Hesse (1887-1971) est un prince allemand qui a épousé le 14 janvier 1915 à Berlin une américaine Elisabeth Rogers (1893-1957).


Article publié le 8 janvier 1915 en page 2 dans The New York Herald

(source Gallica-BNF)


Le couple princier a 4 enfants : Elisabeth née à Berlin en 1915, Richard-Christian né en 1917 au château de Sully à La Tour de Peilz (canton de Vaud Suisse), Waldemar né en 1919 également au château de Sully et Olga née à Paris en 1921. La famille a résidé en Suisse entre 1917 et 1919 puis ensuite à Paris.


Article paru le 27 septembre 1919 en page 2 dans le journal The New York Herald qui se rapporte à la naissance en Suisse de leur second fils Waldemar (source Gallica-BNF)


Le château Sully à La Tour de Peilz en 1882 (photo source Internet swisscastles.ch)

Dans la presse américaine The Chicago Tribune apparaît le 18 août 1928 une information précisant que le prince et la princesse Christian de Hesse se trouvent à New York pour quelques jours arrivant de leur charmant château de Marlioz près d’Annecy. En juillet 1934 le prince Christian de Hesse et son épouse la princesse Elisabeth Rogers vont séjourner dans le château.



Article extrait du journal The Chicago Tribune en page 2 du 18 août 1928 et annonce parue le 31 juillet 1934 dans le journal Paris-Midi

(source Gallica-BNF)



Le couple princier (photo source Internet)

Le château a appartenu au prince Christian de Hesse durant une période que je n’ai pu malheureusement retracer avec exactitude mais située entre 1920 et 1950. Le prince est étroitement lié aux familles royales britanniques, danoises, grecques et russes par sa mère. Il rejoint la marine impériale allemande le 20 mars 1905.


Pendant la première guerre mondiale, après avoir critiqué la campagne allemande de guerre sous-marine, il démissionne en signe de protestation. En 1941, les nazis dépouillent le prince, sa femme et leurs enfants de leur citoyenneté allemande sans en indiquer la raison. Le prince obtiendra un peu plus tard la nationalité suisse (source Wikipédia).


Le prince en 1912 dans la marine impériale allemande

(photo source Wikimédia commons)

Le prince en 1947

(photo source Internet)

A partir de 1952 des démarches sont entreprises par le conseil municipal du 19ème arrondissement de la ville de Paris pour acquérir le château en vue de l’organisation en 1953 d’une colonie de vacances. Au cours d’une séance du conseil municipal des 29 et 30 décembre 1952, une subvention de 10'400'000 francs est allouée à la caisse des écoles du 19ème arrondissement pour l’achat du château de Marlioz en vue de l’aménagement d’une colonie de vacances.


Extraits des délibérations du conseil municipal de Paris du 1er janvier 1952 et du bulletin municipal officiel de la ville de Paris publié le 19 janvier 1953

(source BNF-Gallica)


Photo source delcampe.fr

Quelques vestiges de l’époque où le château accueillait les colonies de vacances

(photos Louis Buda 6 janvier 2022)


Le château sera divisé en lots qui seront vendus en copropriété par étages. En 1990, le château sera acquis par de nouveaux propriétaires qui l’occupent toujours et qui ont pu réunir au fils des années toutes les parts de copropriété.


La cheminée au rez-de-chaussée qui comporte un écureuil sur le manteau daterait du 19ème siècle. En héraldique l'écureuil est le symbole de la prévoyance, de l'agilité, de la vivacité et de l'indépendance ou bien encore des contrées boisées.


(photos Louis Buda 6 janvier 2022)


Une autre cheminée à fleurs de lys au rez-de-chaussée construite par le comte de la Prunarède entre 1823 et 1850

(photos Louis Buda 6 janvier 2022)


La visite des lieux du 6 janvier 2022 se poursuit dans les jardins privés du château puis dans le parc attenant.


Les deux volières visibles depuis la terrasse existaient déjà lors d’un état des lieux qui avait été établi le 7 avril 1742 lorsque Hyacinthe de Pingeon (1714-1770) devint propriétaire du château (carte postale datée de 1917, source delcampe.fr)

Texte ci-contre (à propos de la terrasse) : la poutre de chêne qui en supporte le mur au couchant est pourrie, il en faut une autre et refaire le mur au-dessus et regarnir et crépir la plate-forme au-dessus de la première volière ; les voûtes plates dessus et dessous. La volière visant au couchant a diverses brèches et il faut regarnir, crépir et plâtrer.


Extrait de la page 12 de l’état des lieux du 7 avril 1742 concernant les volières (photo collection privée)


Sur cette ancienne photo il est encore possible de distinguer les peintures murales sur les volières (photo collection privée)


Photos Louis Buda

6 janvier 2022

La façade et la terrasse côté jardin

(photos MT Buda 6 janvier 2022)


Le parc avec de magnifiques arbres et dans un angle, côté presbytère, une petite construction qui pourrait être une ancienne chapelle

(photos MT Buda 6 janvier 2022)


Et une dernière vue inoubliable sur la chaîne des Alpes depuis le château

(photo MT Buda 6 janvier 2022)



Le château vers 1930

(photo collection privée)

Le château de Marlioz en 1912 (photo source delcampe)

Le château en 1925

(photo source delcampe)

Mars 2022