L’étonnante histoire  du château de  Collonges


C’est au cours d’une randonnée pédestre avec l’association Les Amis de Contamine-Sarzin que j’ai découvert ce château le 4 août 2013.


Au détour d’un petit sentier le château apparaît abrité par une belle végétation.

(Photos MT Buda 4 août 2013)

Depuis lors, plusieurs occasions se sont présentées pour rassembler diverses informations qui m’ont permis d’orienter mes recherches. Ainsi, dans un premier temps, j’ai consacré mes investigations en regroupant des renseignements extraits parmi les ouvrages historiques déposés auprès de la BNF (Bibliothèque Nationale de France). Dans un second temps et par l’intermédiaire d’Olivier qui était membre tout comme moi de l’Office de Tourisme de Frangy entre 2007 et 2017, il m’a été possible de rencontrer le propriétaire des lieux le 23 décembre 2021 et de compléter certains éléments qu’il a bien voulu me confier. Je le remercie infiniment pour cette entrevue courtoise et cordiale que je vais garder comme un excellent souvenir.


Sur la base d’un article paru dans la Gazette de Frangy n° 10 (éditée en décembre 2006) le château aurait été construit vers 1622 par un certain Aymé Collomb notaire.

Photo MT Buda 23 décembre 2021


La randonnée pédestre du 4 août 2013

(Photo Louis Buda)


Extrait de la page 11 de la Gazette de Frangy n° 10 de décembre 2006

(source Internet www.la-gazette-de-frangy-autrefois.fr)

Texte extrait de la page 342 de l’ouvrage histoire des communes savoyardes tome III édition de 1981.

(source Archives départementales de la Haute-Savoie)


Les Collomb sont châtelains de Chaumont et du Vuache.


Texte extrait de la page 105 des Echos Saléviens n° 6 édité en 1997

(source Gallica/BNF)


Aymé Collomb est également cité en qualité de châtelain du Vuache.


Pièces de pré appartenant à la chapelle ruinée sous le vocable de Saint-Antoine à Savigny


Texte extrait de la page 202 de l’ouvrage Mémoires et documents publiés par la société Savoisienne d’histoire et d’archéologie, tome LIV édité en janvier 1913 (source Gallica-BNF)


Il convient de noter que les châtelains sont, à l’origine, des seigneurs détenteurs de châteaux ou d’une maison forte (source Wikipédia). Toutefois, aucune certitude ne peut être réellement avancée sur le fait que cet Aymé Collomb soit à l’origine de la construction. En effet, il apparaît au-dessus de la porte d’entrée du château la date de 1622 ainsi que des armoiries qui ne correspondent malheureusement pas à celles de la famille Collomb. Voici les armoiries de la famille Collomb (figure 1) puis de Collomb d’Arcine dès 1712 (figure 2).


Famille Collomb

Famille Collomb

d’Arcine


Extrait de la page 117 de l’ouvrage Armorial et nobiliaire de l’ancien duché de Savoie, volume 2, édition 1863-1910

(source Gallica-BNF)


Extrait de la page100 de l’ouvrage Le Blason par le Comte Amédée de Foras (source Gallica-BNF)


Les armoiries qui se trouvent au-dessus de la porte d’entrée du château sont actuellement masquées par un beau rosier et pour permettre de réaliser les photos qui suivent, l’aide d’une grande échelle sera rendue nécessaire.


Photos MT Buda 23 décembre 2021

Photos Louis Buda 23 décembre 2021


Armoiries figurant au-dessus de la porte d’entrée du château



Les armoiries sont propres à une famille et il devient ensuite intéressant d’analyser et d’interpréter les signes qui les composent . Je vais donc tenter de comprendre la signification de ce blason et de garder à l’esprit que chaque héritier d’une famille puisse le transformer par de petites modifications.

Si l’on considère que le casque (heaume) situé au-dessus du blason correspond à de nouveaux anoblis (figure n° 8), il pourrait peut-être bien se rapporter à Aymé Collomb dont le père a été anobli en 1611.


Le croissant est le symbole de la noblesse, de l’accroissement des richesses de l’honneur et de la renommée. Il rappelle les croisades et les expéditions contre les Sarrasins.


Le blason comporte 3 étoiles percées à 6 raies. Ces étoiles à 6 raies ouvertes en rond au centre sont courantes dans les blasons et sont des molettes d’éperon. Elles représentent celles des anciens chevaliers. Les rois faisaient mettre des éperons aux gentilshommes et écuyers qu’ils créaient chevaliers (source site Internet blason-armoiries.org). Or, Charles Collomb, le père d’Aymé Collomb, était capitaine en chef des troupes d’infanterie du Duc de Savoie.

Cette date de 1622 pourrait signifier le début ou la fin de la construction du château. C’est aussi celle du décès de Saint François de Sales (le 28 décembre), issu d’une famille noble du Duché de Savoie.


Je pense qu’il s’agit de la partie inférieure détériorée du lambrequin qui part du heaume et qui entoure l’écu. Je ne vois nulle part la présence de colombes pouvant conforter l’idée que ce blason appartient bien à la famille Collomb.


Il est cependant légitime de penser que seules des familles nobles et fortunées étaient susceptibles d’édifier ce genre de bâtiment qui comporte de surcroît deux pigeonniers. Dans celui côté ouest une pierre est datée de 1627. Avant la révolution l’élevage des pigeons était réservé à la noblesse et aux abbayes. C’est Charlemagne qui fit de l’élevage du pigeon un privilège nobiliaire (source Wikipédia).

Le corps principal du château entouré de deux pigeonniers.

Photo MT Buda 23 décembre 2021


Dans la perspective qu’Aymé Collomb soit à l’origine de la construction, je me suis intéressée à cette famille. Aymé Collomb est le second fils de Charles Collomb (mort vers 1616), capitaine en chef des troupes d’infanterie du Duc de Savoie, anobli par Charles Emmanuel 1er de Savoie le 20 février 1611. Charles Collomb a épousé le 23 juillet 1595 Michèle Brunet de Forax d’Amont, veuve de Gaspard de Thiollaz décédé en 1592 à l’âge d’environ 34 ans.


Texte extrait de la page 211 du Dictionnaire des familles françaises,

tome XI édité en 1912

(source Gallica-BNF)



Charles-Emmanuel 1er de Savoie (1562-1630)

(photo source Wikipédia)


Charles Colomb et Michèle Brunet de Forax auront 3 fils : l’ainé Pierre (gendarme dans la compagnie du baron de la Serraz), Aymé (notaire) et Théodore (prêtre). Aymé Collomb se serait marié en 1605 avec Louise Ducrest. De nombreux documents consultés ont été dressés par Aymé Collomb et confirment donc son rôle de notaire.

Documents extraits des pages 276 et 581 de l’ouvrage La mise en place du cadastre sarde en Genevois vers 1730 (source Internet academia.edu)



Dans cette famille des Collomb c’est François (arrière-petit-fils de Charles Collomb) qui épousera le 6 août 1712 la fille du seigneur d’Arcine (Josèphe-Thérèse de Verbos). C’est ce mariage qui donne naissance à la branche des Collomb d’Arcine. La famille Collomb d’Arcine s’éteint en 1870 faute d’héritiers mâles.


Extrait de la page 118 de l’ouvrage Armorial et nobiliaire de l’ancien duché de Savoie, volume 2 (source Gallica-BNF)


Sur l’extrait de la mappe sarde dressée entre 1728 et 1738, le château apparaît sur la parcelle n°3299 (en rouge), le parc n° 3300 (en jaune) et le pré n° 3301 (en vert)


Extrait de la mappe sarde de Frangy

(1728-1738)

(source Archives Départementales de la Haute-Savoie, côte 1 C d 175)


Arpentage effectué par les « trabucands » en 1730

Dessin de J.J. Pichard, Vatusium n° 11, page 4 (source Internet)

Le travail des géomètres

(image source Internet)


Occupée à consulter la mappe sarde j’ai découvert qu’en 1731 une dame veuve Jeanne Collomb était propriétaire du château en sa qualité de communier (bourgeois d’une commune) pour une maison et placéage (cour) de 2514m2, d’un jardin de 848m2 et de pâturages pour 4231m2.


Il y a lieu de noter que les ducs de Savoie prélevaient une taxe (la taille) sur les propriétés foncières dont les nobles et le clergé étaient exonérés. C’est le duc Victor-Amédée II qui a décidé de réorganiser la perception de l’impôt basée sur des plans topographiques.


Documents source Archives Départementales de la Haute-Savoie,

côte 1 C d 175


Le 22 septembre 1792 les troupes françaises envahissent la Savoie et le 27 novembre 1792 voit la réunion de la Savoie à la République Française pour une vingtaine d’années.

C’est durant cette période que de nombreux domaines seront confisqués et mis en vente dès 1796 comme biens nationaux permettant ainsi à quelques bourgeois locaux de s’enrichir. Puis le traité de Vienne de 1815 marquera le retour de la Savoie dans le Royaume de Sardaigne, la Savoie redevant ensuite française en 1860.



Estampe représentant l’entrée des troupes françaises en Savoie en 1792.

Document n° 168, extrait de la page 24 du Journal des révolutions de Paris des 22-29 septembre 1792 (source Gallica)

Après la révolution le château sera occupé par un certain A. Favre, clerc de notaire vers 1847. On retrouve d’ailleurs sur la taque (plaque de fonte) de la cheminée de la salle à manger l’inscription A.F. la date de 1841 ainsi qu’un motif au centre représentant une corbeille de fruits.

Par la suite l’intéressé transmettra le château aux hospices civils d’Annecy qui en resteront propriétaires jusqu’en 1961.


Photo Louis Buda 23 décembre 2021


Les hospices civils d’Annecy vers 1901 (bâtiment à droite)

Photo source delcampe.fr


Il apparaît une information troublante en page 25 dans le catalogue sommaire du musée d’Annecy établi en 1900. En effet la porte d’entrée ainsi que la serrure se retrouvent curieusement exposées dans une salle du musée d’Annecy.


Couverture du catalogue et extrait de la page 25 de ce même ouvrage édité en 1900

(source Gallica-BNF)


Porte d’entrée actuelle du château (photo MT Buda 23 décembre 2021)

Sur l’extrait du plan cadastral établi le 31 août 1907 le château est répertorié sur la parcelle n° 1744 , le parc (n°1745) et le pré (n° 1743). Un bâtiment annexe apparaît ainsi qu’une fontaine.


(source Archives Départementales de la Haute-Savoie, côte 3P 3/4845)


Le château ainsi que les terres qui appartiennent désormais aux Hospices civils d’Annecy seront loués à des fermiers et à leurs familles.



De 1919 à 1927 la grande famille Courlet (Louis né en 1877 et son frère Joseph né en 1883) originaires du canton de Fribourg (Suisse) habite dans le château et elle cultive les terres.


Texte extrait de la page 11 de la Gazette de Frangy Autrefois n° 3


Extrait du recensement de la population de l’année 1921

Source Archives Départementales de la Haute-Savoie, côte 6M236


Marie-Louise est la fille de Louis et la sœur d’Auguste (texte extrait de la page 6de la Gazette de Frangy n° 5 éditée en décembre 2003)

Auguste Courlet né le 8 octobre 1906

(source la Gazette de Frangy Autrefois n° 3 page 10)


Texte extrait de la page 11 de la Gazette de Frangy Autrefois n° 3


En 1931 apparaissent en qualité de fermiers Louis Réal et son frère Jean-Marie, tous deux originaires, avec leur sœur Louise, de Mésigny.


Extrait du recensement de la population de l’année 1931

Source Archives Départementales de la Haute-Savoie, côte 6M236


Dès 1936 la grande famille de Jean Favre-Bonvin (né en 1873) avec ses fils François (né en 1902), Joseph-François (né en 1908) Firmin (né en 1912), Françis (né en 1913) et Rémi (né en 1917) s’installe dans le château.


Extrait du recensement de la population de l’année 1936

Source Archives Départementales de la Haute-Savoie, côte 6M236


Firmin Favre Bonvin en 1932

(source la Gazette de Frangy n° 2 page 8)



En 1966, un fermier, Monsieur Philippe Robert (né en 1929) va racheter le château qui était occupé par la famille de François Favre-Bonvin dont il avait épousé la fille, Thérèse (née en 1930). Monsieur Philippe Robert revendra les bâtiments en 1968 et le nouvel acquéreur lui laissera les terres à cultiver. C’est toujours ce même propriétaire qui occupe de nos jours le château.


On aperçoit sur cette photo datant des années 1970 que le potager situé à gauche du château est parfaitement entretenu (photo source delcampe.fr)


En 1900, 170 000 Helvètes émigrent dont 87 000 en France (source Internet l’immigration des Suisses en France histoire-immigration.fr.)


Vues prises depuis le chemin de St-Jacques de Compostelle

(photos MT Buda 23 décembre 2021)


L’imposante montée d’escalier qui mène aux appartements privés

Photo Louis Buda 23 décembre 2021