Préambule

Simone Legentil est, depuis le 14 juin 1917, la première centenaire du village.

Famille et amis se sont rassemblés autour d’elle le 24 juin 2017 afin de célébrer sa longévité. Elle vient en effet de traverser un siècle et va rejoindre le nombre de centenaires vivant en France qui s’élève en 2016 à 21'393 personnes (source Insee). Toujours selon les projections démographiques de l’Insee, la France a le plus grand nombre de centenaire en Europe.

Pour que cet événement puisse s’inscrire dans la mémoire des habitants de Contamine-Sarzin, j’ai proposé à sa fille, Sylvie, de publier le discours qu’elle a prononcé à cette occasion retraçant la vie de Simone. Sylvie a gentiment accepté et elle a eu la bienveillante attention de me transmettre des photos afin d’agrémenter son texte. Je la remercie de l’intérêt qu’elle porte à mes publications et je vous livre, ci-après, l’émouvante histoire de Simone.


Simone LEGENTIL est née à Contamine-Sarzin, pendant la première guerre mondiale, le 14 juin 1917. Elle s’est mariée dans l’église du village avec Robert. Après quelques échappées belles, elle vit toujours dans cette commune et elle reposera, un jour, à ses côtés dans le petit cimetière de la commune.


Acte de naissance de Simone (source Archives Départementales de la Haute-Savoie, côte 4E3788)

Sa vie, résumée ainsi peut sembler bien monotone et pourtant, à bien des égards, son parcours a un côté romanesque et peu commun, surtout pour l’époque.

Simone a passé une enfance heureuse à la ferme familiale avec ses parents Sylvie Dusonchet (née en 1880) et François Chamosset (né en 1867) ainsi que ses quatre frères, Fernand (1910), Marius (1911), René et Léon, les jumeaux (1912).


Recensement de 1911 (source Archives Départementales de la Haute-Savoie, côte 6M189)


Les parents de Simone, François Chamosset et Sylvie Chamosset née Dusonchet (photos collection privée)

La vie était gaie et mouvementée car ses parents tenaient également le bistrot du village ainsi que la fruitière.

Pourtant, dès l’âge de 10 ans et jusqu’à ses 19 ans, elle est partie en internat, à Challonges. Comme elle était la plus jeune des pensionnaires, elle était particulièrement choyée par les sœurs, donc ses études restent plutôt un bon souvenir. Elle ne revenait que pour les grandes vacances à Contamine.


Simone au pensionnat de Challonges en 1927

(photo collection privée)


Alors, elle allait souvent aider sa tante qui tenait l’Auberge du Pont rouge, entre Mons et Seyssel.


A l’époque, de belles dames parisiennes venaient en villégiature dans cette pension et la fascinaient. C’est elle qui faisait les courses, à vélo, jusqu’à Frangy ou Seyssel ou plus loin encore.


Vers 1910, debout devant la porte du restaurant, Sylvie Dusonchet, mère de Simone

(photo collection privée)

Son père, François, était le maire du village entre 1925 et 1944

 (photo collection privée)


A la fin de ses études, elle est alors devenue secrétaire de Mairie et, plus tard, elle a même été, quelque temps, correspondante du Dauphiné Libéré.


Simone secrétaire de mairie à Contamine-Sarzin vers 1945 (photo collection privée)

Registre des délibérations du 20 juin 1945, maire Jean Gojon

(photo MT Buda 27 février 2012)

Registre des délibérations du 2 mars 1952, maire Robert Chamosset

(photo MT Buda 27 février 2012)


Elle aimait danser et allait en vélo aux bals des environs avec ses amies. C’était une vie heureuse.


Ici à un mariage à Chilly en 1940 (photo collection privée)

Simone à un autre mariage vers 1943-44 (photo collection privée)

Mais aussi en demoiselle d’honneur (photo collection privée)

Malheureusement, la deuxième guerre mondiale est arrivée. En 1944, elle a rencontré Robert, jeune résistant qui venait parfois à Contamine. Originaire de Charente-Maritime, il est arrivé à Frangy comme gendarme, mais c’était uniquement une couverture. Simone lui donnait des tickets de rationnement, faisait de fausses cartes d’identité et fournissait des renseignements ; c’était sa façon de résister à l’occupant. Ensuite, les amoureux ont été séparés car Robert, dénoncé, a dû prendre le maquis.


Simone à Contamine-Sarzin 1943-44

(photo collection privée)


La guerre terminée, elle a attendu encore longtemps son fiancé qui, militaire de carrière dans l’Armée de l’Air, était reparti combattre en Indochine. Il y est resté sept ans, en tout. Ayant peur de laisser Simone veuve, ils avaient, d’un commun accord, décidé d’attendre avant de s’unir.

Ils se sont pourtant mariés le 26 décembre 1951. La mariée était en noir car sa mère venait de s’éteindre.



Quelques jours après, son mari est reparti en Indochine et elle l’a attendu à nouveau quelques années.

Enfin, en 1953, elle est partie avec lui au Maroc, à Casablanca où est née leur fille, Sylvie, deux ans plus tard.


Simone au Maroc en 1955 (photo collection privée)

Simone avec sa fille en juin 1955 (photo collection privée)


Malheureusement, là encore, son époux était souvent absent, volant, par exemple, aux confins de la Mer de Chine où un télégramme lui apprit la naissance de sa fille. Lorsqu’il l’a vue pour la première fois, à La Gravelière où la mère et la fille venaient en vacances dans la maison de chasse de la famille, l’enfant avait déjà seize mois.



Ensuite, son mari étant basé en Algérie, elle est partie vivre là-bas, au bord de la mer, à Surcouf. Cela a été de belles années, malgré cette période troublée de l’Histoire et la présence épisodique de Robert, qui, cette fois, faisait la guerre d’Algérie. Le plus souvent, le seul signe de sa présence, c’était le passage d’un Nord-Atlas, l’avion dans lequel il volait, au-dessus de la maison.






Simone avec sa fille Sylvie en Algérie le 28 mai 1956 (photo collection privée)

En 1961, sur le paquebot « Ville d’Alger », toute la famille est revenue en France pour vivre à Contamine-Sarzin.



Le Ville d’Alger est un paquebot français qui a navigué de 1935 à 1968- A l’époque c’est le plus gros paquebot construit pour les lignes d’Afrique du Nord. Sa vitesse lui permettait de relier Marseille à Alger en moins de 20h00

(source Wikipédia).


Photo Delcampe.net

Le couple avait fait construire une petite maison à Contamine-Sarzin qui ne devait servir, à l’origine, que pour les vacances. Simone n’était pas si contente que ça de revenir dans sa commune natale après avoir connu le soleil de l’Afrique du Nord. Là, elle s’est occupée de sa fille qui très vite, a été interne et de son mari qui, miracle ! est resté en France jusqu’en 1970.


Heureusement, chaque année, elle allait en vacances au Gabon avec sa fille, et, là, enfin, elle pouvait goûter les joies de la vie de famille tout en découvrant la nature africaine, Robert étant pêcheur et chasseur.Ainsi, la vie a passé tout doucement.

Simone a eu « une belle et longue vie. », comme on dit. Elle vient de fêter ses cent ans.


La maison était toujours pleine ; tout le monde avait plaisir à venir chez elle, la famille, les amis, les amis des amis. Elle partait en vacances avec «  la famille de St-Gervais » ou en Yougoslavie. Elle accueillait tout le monde avec générosité et bonne humeur. Jamais elle ne s’est plainte. Toujours elle a été là pour sa fille, pour tous.

Elle continue à aimer les choses simples de la vie comme le soleil, les cerises, les enfants.


C’était une femme solitaire que tout le monde appréciait pour sa gentillesse, sa générosité et sa convivialité. Malheureusement, au fil du temps, elle a connu peu à peu le silence et la solitude, surtout depuis un AVC qui l’a amoindrie mais elle a la chance de vivre encore chez elle, entourée de ses nombreux chats.


 


 

Bien sûr, elle aurait voulu travailler : elle avait, par exemple, réussi un concours pour travailler dans l’administration de l’Armée de l’air, mais Robert, comme beaucoup d’hommes, à l’époque, n’a jamais voulu qu’elle ait un emploi.

Ensuite, il est parti travailler au Gabon et il n’est revenu pour sa retraite que trente ans plus tard. Peu de femmes auraient eu sa force de caractère pour rester seule aussi longtemps.


Heureusement, quelques fidèles égaient encore, de temps en temps, la monotonie des jours rythmée par les émissions de télévision.

Sa fille s’occupe d’elle du mieux qu’elle le peut. Les dames de l’ADMR et de l’ACOMESPA la secondent avec dévouement.

Heureusement, elle est restée coquette, fidèle aux couleurs chaudes et aux robes fleuries.

Maintenant, on peut souvent la voir, assise dans son fauteuil, son chapeau de paille sur la tête, contemplant avec sérénité la campagne environnante ou tournant les pages d’un magazine ou du journal.

La marche du Monde continue à l’intéresser.


Simone Legentil

première centenaire du village

Simone à Contamine-Sarzin en 1965-66

(Photo collection privée)

Simone a fêté ses 100 ans le 17 juin 2017 entourée par sa famille et ses amis

(photo collection privée)

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