LE MYSTÈRE DES TOMBES DES SOLDATS AUTRICHIENS EN 1814


C’est le 11 mai 2011 que j’ai entendu parler du cimetière des Autrichiens par Madame Danielle Keller lors de l’assemblée constitutive de l’association Les Amis de Contamine-Sarzin. Il m’a été rapporté que dans notre secteur de violents combats eurent lieu en 1814 entre les troupes autrichiennes et les troupes napoléoniennes. Des soldats autrichiens en fuite seraient morts et par la suite enterrés dans un bois situé en haut du village.


Extrait du plan cadastral source Archives départementales de la Haute-Savoie

côte 3 P 3/3784 du 25 avril 1907

Une visite sur place a été réalisée le 22 juin 2011 avec l’intéressée et plusieurs membres de l’association. Selon Madame Keller il existait autrefois des tombes avec des croix mais rien n’a permis d’en retrouver une quelconque trace.


Toutefois en janvier 2013 j’ai appris qu’à proximité de ce bois une croix en bois avait été érigée dans les années 1950. Elle a par la suite été démontée lors de l’installation de la ligne à haute-tension. Il resterait cependant encore un socle sur le terrain.


Photo collection privée

Le 5 mai 2021, à l’occasion des commémorations du bicentenaire de la mort de Napoléon 1er et me souvenant de ces premières recherches de 2011, j’ai souhaité m’intéresser à la période de la fin de 1813 lorsque l’armée de Napoléon, battue à Leipzig en octobre, se repliait sur la France.


Retraite de Napoléon après la bataille, le 19 octobre 1813, gravure d’après  François Louis Couché (source wikipédia)


Il est ici rappelé que le 1er janvier 1793 est créé le département du Mont-Blanc avec pour chef-lieu Chambéry. Le traité de paix de Paris signé 15 mai 1796 entre le général Bonaparte et Victor Amédée III (roi de Piémont-Sardaigne) donne la Savoie et le Comté de Nice à la France qui resteront français durant 20 ans. L’annexion de la république de Genève en 1798 donnera naissance au département du Léman avec pour chef-lieu Genève (source Internet journalopenedition.org).


Les ennemis de Napoléon (Autrichiens, Russes et Prussiens mais aussi Hongrois, Tchèques, Slovènes et Croates) se préparent à envahir la France.


Campagne de France en Champagne des troupes napoléoniennes en 1814.

Photo extraite de la préface de de l’ouvrage L’épopée des Alpes, tome 3

(source Gallica-BNF)


Le 21 décembre 1813, un corps d’armée autrichien, commandé par le général Ferdinand von Bubna, pénètre à Bâle en Suisse alors que cette dernière a bien proclamé son intention de rester neutre. Le 30 décembre von Bubna chasse les français de Genève avant de marcher sur Lyon (source www.24 heures.ch).


Portrait source site Internet www.europeana.eu/fr

Extrait de la page 11 de l’ouvrage Notice historique de la commune de Meyrin édité en 1895

(source Internet www.meyrin.ch)


En janvier 1814 le général baron autrichien Theophil Zechmeister von Rheinau veut conquérir les Savoie et le Dauphiné. Il s’empare de Fort-l’Ecluse le 3 janvier 1814, bloquant ainsi la route principale menant de Lyon à Genève aux français. Il avance sur Rumilly. Dès le 16 janvier, des postes sont occupés depuis Seyssel jusqu’à Frangy et Cruseilles. Les ennemis parviennent à Chambéry le 20 janvier.


Extrait de la page XVII d’introduction historique de l’ouvrage La restauration de la République de Genève 1813-1814, tome 1er édité en 1913

(source Internet www.letemps.ch)


Texte extrait de la page 59 du Journal de l’empire édité le 16 janvier 1814 (source e.book)


Image extraite de la page 503 de l’ouvrage L’épopée des Alpes, tome 3 (source Gallica-BNF)


Le 16 février, les troupes du général français Jean-Gabriel Marchand s’avancent sur Chambéry et Annecy qu’elles occupent le 24 tandis que la brigade du général Theophil von Zechmeister arrivant de Chambéry occupe la position de Saint-Julien. L’affrontement est inévitable.


Photo source Wikipédia


Texte extrait de la page 54 de l’ouvrage L’épopée des Alpes, tome 3 édité en 1912 (source Gallica-BNF)


Les troupes françaises


Croquis extrait de la page 57 de l’ouvrage L’épopée des Alpes, tome 3 édité en 1912

(source Gallica-BNF)


Les autrichiens sont chassés au fur et à mesure de l’avancée des troupes françaises. De violents combats se déroulent pour reprendre le pont de la Caille le 25 février 1814. A noter que ce pont de pierre et de bois construit par décision du roi Victor Amédée III, s’écroula en 1818.


Source internet www.cruseilles.fr


Texte extrait de la page 132 de l’ouvrage L’épopée des Alpes, tome 3 édité en 1912 (source Gallica-BNF)


Carte postale très rare qui montre le vieux pont de pierre au premier plan. On aperçoit également le pont Charles Albert construit en 1839. (photo delcampe.fr)

Texte extrait de la page 265 de l’ouvrage L’épopée des Alpes, tome 3 édité en 1912 (source Gallica-BNF)


Les troupes du général Joseph Serrant s’installent à Copponex, Cruseilles et le Mont-Sion tandis que les troupes du général Joseph-Marie Dessaix qui arrivent depuis Frangy le 27 février 1814 prennent position dans la soirée du 28 février à l’Eluiset.


Croquis extrait de la page 449 de l’ouvrage L’épopée des Alpes, tome 3 édité en 1912 (source Gallica-BNF)



Déjà, dès le 27 février, des échauffourées se produisent vers Archamps et l’Eluiset (source internet introduction de l’ouvrage la restauration de la république de Genève, 1813-1814, tome 1). Un maréchal français Pierre Augereau lance une contre-offensive depuis Lyon et sous les ordres du général Joseph-Marie Dessaix natif de Thonon, les soldats de l’empire reprennent Chambéry et Annecy et avancent en direction de Genève.


Le maréchal Pierre Augeneau (1757-1816)

Le général Joseph Dessaix (1764-1834)

Photos source Wikipédia

Texte extrait de la page 248 de l’ouvrage Ternier et St-Julien de César Duval édité en 1879

(source Gallica-BNF)



Le 1er mars 1814 une grande offensive est menée par le général Joseph-Marie Dessaix pour reprendre St-Julien et des attaques sont menées à Viry, la Côte et de Songy. Les combats font rage notamment à Thairy. Le 3 mars 1814, les troupes françaises reprennent Carouge tandis que les troupes autrichiennes se replient sur Genève.


Texte extrait des pages 274 et 275 du dictionnaire historique et biographique des généraux français volume 5

(source e.book)


Carte extraite de la page 264 de la revue militaire suisse dessinée par le capitaine Ch. Bastard

(source internet www.e-periodica.ch)


L’offensive française

Croquis extrait de la page 197 de l’ouvrage L’épopée des Alpes, tome 3 édité en 1912 (source Gallica-BNF)


La bataille de St-Julien qui n’a duré qu’un jour occasionnera la mort de 300 soldats français et plus de 1000 soldats autrichiens (source la-salevienne.org).


J’ai voulu retrouver les traces de cette bataille et je me suis rendue le 10 juillet 2021 à Archamps, Thairy et Crache.


A Archamps une plaque commémorative, inaugurée le 19 juin 2014, est installée sur le parking de l’auberge communale.


ARCHAMPS

Commémoration du bicentenaire de la bataille de

Saint-Julien, sur la stèle des soldats Autrichiens le

14 juin 2014

(photo extraite du site internet de la mairie d’Archamps, feuille d’information n° 3 du mois de juillet 2014)



Mais en y regardant de plus près on découvre également plusieurs stèles dans le parc qui a été aménagé dans ce même parking. Il s’agit de tombes d’officiers autrichiens qui n’ont pas encore été identifiés.


Photo MT Buda 10 juillet 2021

Photos MT Buda 10 juillet 2021


THAIRY

CRACHE

Sur la place principale dans le village de Thairy, la fontaine est surmontée d’un bloc reposant sur 4 boulets de canons datant des combats du 1er mars 1814.


Toujours à Thairy un chemin situé derrière le cimetière rappelle aux passants le lendemain de cette terrible bataille.


A Crache (hameau de St-Julien) un panneau a été placé sur le terrain où se sont déroulés les combats.


C’est en partie sur ce site que se déroula le combat de Saint-Julien le 1er mars 1814 un épisode secondaire de la bataille de France qui se conclut par l’abdication de l’empereur Napoléon 1er à Fontainebleau. Le régiment autrichien Colloredo fort de 12'000 hommes occupait la position où vous vous trouvez. En face de vous les 5'000 hommes et 8 canons du général Dessaix (enfant du pays) occupèrent une ligne de combat de Neydens à Crache. Le 1er au matin, les Français attaquèrent et s’emparèrent du hameau de Thairy. La bataille fut terrible et se prolongea jusqu’en fin de journée dans le froid et sous la neige. 1'300 hommes furent mis hors de combat. Les Autrichiens poursuivis par les troupes du général Dessaix, durent battre en retraite sur Genève.


Par le traité de Paris signé le 30 mai 1814, la France retrouve ses anciennes frontières de 1792. Cependant la Savoie sera coupée en deux puisque la France va récupérer Annecy, Chambéry et Saint-Julien tandis que l’autre partie de la Savoie sera administrée par Victor Emmanuel 1er, roi de Sardaigne (cet accord sera remis en question par la signature d’un nouveau traité en 1815).


Un préfet prendra alors ses fonctions à Chambéry et un nouveau département du Mont-Blanc sera créé. Mais cette situation illogique sera modifiée par un second traité de Paris signé le 20 mai 1815 restituant la Savoie au roi de Piémont-Sardaigne.


Napoléon signe son abdication à Fontainebleau le 4 avril 1814. Il se prépare à partir en exil sur l’île d’Elbe.

Tableau de François Bouchot de 1843

(Photo source Wikipédia)

Croquis extrait de la page 464 bis de l’ouvrage L’épopée des Alpes, tome 3 édité en 1912 (source Gallica-BNF)



Photos MT Buda 10 juillet 2021

Partage de la Savoie après le traité de Paris du

30 mai 1814

(carte source Wikipédia)

Tableau source Wikipédia

Photo source Wikipédia


Tableau représentant des Autrichiens quittant Genève le 17 mai 1814

(dessin source Internet www.slatkine.com)

Photo MT Buda 12 août 2021

Photo source Wikipédia


Photo source Wikimédia commons

L’unité savoyarde sera retrouvée lors de la signature du second traité de Paris le 20 novembre 1815. Le duché se réorganise et Chambéry devient la capitale qui va accueillir les différents services administratifs (source Wikipédia).


Napoléon à bord du Bellerophon (tableau source Wikipédia)

Un préfet prendra alors ses fonctions à Chambéry et un nouveau département du Mont-Blanc sera créé. Cette situation illogique sera néanmoins modifiée le 20 mai 1815 restituant la Savoie réunifiée au roi de Piémont-Sardaigne.


La place Saint-Léger en 1815 à Chambéry, tableau de Joseph Massotti

(photo source delcampe.fr)

Alors qu’il est détenu sur l’ile d’Elbe, l’empereur débarque par surprise à Antibes le 1er mars 1815 et marche sur Paris. La guerre contre les alliés reprend. Après la déroute de l’armée française à Waterloo le 18 juin 1815, Napoléon abdique une seconde fois  le 22 juin et il est déporté sur l’Ile de Sainte-Hélène le 14 octobre 1815.


Septembre 2021